Entreprises expérimentées et start-ups ont beaucoup à apprendre les unes des autres

Entreprises expérimentées et start-ups ont beaucoup à apprendre les unes des autres

L'avenir de l'industrie manufacturière selon un CEO chevronné et deux jeunes entrepreneurs

L'avenir appartient à ceux qui osent, dit-on. C'est plus vrai que jamais dans l'industrie manufacturière qui connaît une évolution rapide. Les start-ups doivent se montrer innovantes pour décoller, tandis que les entreprises établies ont besoin de créativité et d'audace pour conserver leur position. Entrepreneurs débutants et organisations expérimentées peuvent-ils apprendre les uns des autres ? Comment voient-ils l'avenir du secteur ? Nous avons interrogé trois de leurs représentants pour répondre à ces questions : d'une part, Ann Dhont, Managing Director de Spiromatic, une entreprise d’une v

L’industrie manufacturière est en pleine évolution. Voyez-vous des difficultés ou surtout de nouvelles opportunités ? 

Ann Dhont : « Je vois très certainement des opportunités, mais les défis sont de taille. Avec des coûts salariaux élevés et un marché du travail peu flexible, il est quasi impossible de maintenir un travail répétitif en Belgique. Pour rester proche de nos clients et réagir rapidement à leurs besoins, l'automatisation et la robotisation sont inévitables. Indépendamment de cela, je crois fermement en la volonté, la créativité et l'audace de nos entreprises. Être novateur permet de faire continuellement la différence. » 

Glenn Mathijssen : « Je suis du même avis. La Belgique compte beaucoup d'entreprises manufacturières prospères, qui en sont la preuve. Les défis sont énormes, mais nous devons nous concentrer sur les solutions. Évoluer en permanence et rester flexible, tel est le mot d'ordre. » 

Les entreprises manufacturières belges sont-elles actuellement suffisamment flexibles pour réagir à l'accélération technologique ? 

Philippe Hennin : « En tant que start-up, nous nous rendons dans un grand nombre d'autres entreprises belges et je remarque que beaucoup d'acteurs travaillent de manière très efficace et flexible. Il existe toutefois une différence au niveau de l'offre : en matière d'ingénierie, nous trouvons aisément des partenaires solides, mais pour la production de notre produit, c'est un peu plus difficile. » 

Ann Dhont : « Je n'en doute pas. Je connais relativement bien le marché des entreprises de production en Belgique. Ce n'est vraiment pas évident pour de jeunes débutants de démarrer un processus de production en partant de zéro. » 

Glenn Mathijssen : « C'est exact. De plus, ce n'est pas seulement que vous connaissez le business, vous avez aussi un business. En tant que nouveaux venus, nous devons chercher des acteurs expérimentés prêts à nous tendre la main. Nous avons finalement trouvé la flexibilité et l'expertise nécessaires chez Tecmore, qui fait partie du groupe Exmore. Avec leur soutien, nous mettons notre production au point. » 

Certains partenariats sont-ils devenus incontournables pour les entreprises manufacturières prospères ? 

Ann Dhont : « Sans aucun doute. “Ce que vous faites vous-même, vous le faites généralement mieux”, tel était le slogan de mon père. Mais actuellement, nous ne pouvons pas nous passer de notre réseau. Les clients se consolident et les processus deviennent toujours plus complexes. Nous devons donc proposer des solutions toujours plus efficaces et plus intégrées. Une mission que l'on ne peut mener à bien seul. Disposer en interne de tout le savoir-faire et l'expertise nécessaires, c'est impossible. Et il n'est pas non plus évident de trouver de bons partenaires. Alors parfois, je dois faire de mon mieux pour résister à la devise de mon père. Une fédération comme Agoria peut nous aider dans ce contexte. » 

Glenn Mathijssen : « Je pense que les start-ups peuvent constituer une partie de la solution à cet égard. En tant qu'entreprise débutante, nous savons parfaitement ce que nous voulons, mais nous avons besoin d'acteurs expérimentés pour nous encadrer. Nous travaillons avec des personnes très jeunes qui débordent de créativité et nous avons aussi besoin de pouvoir compter sur des connaissances et des expertises. Ces acteurs ont des entreprises expérimentées et cherchent l'énergie créative nécessaire pour soutenir l'innovation. Les organisations expérimentées et les start-ups ont donc beaucoup à s'offrir mutuellement. » 

Ann Dhont : « Je confirme. Les entreprises qui ont une longue expérience et les débutants devraient en fait avoir davantage de contacts. » 

Philippe Hennin : « Si je pouvais avoir moi-même une ligne de production, je surveillerais étroitement le monde des start-ups et je leur ouvrirais mes portes. » 

Pensez-vous que les entreprises sont prêtes pour cela ? 

Ann Dhont : « C'est en effet la question. Cela requiert en tout cas un degré de transparence qui n'est pas évident pour les entreprises expérimentées. Elles auront certainement tendance à protéger leurs connaissances. Et les start-ups ont naturellement moins à perdre. » 

Glenn Mathijssen : « Cela requiert une confiance mutuelle et une culture de l’empowerment. Et bien entendu, il est capital de passer de bons accords. Certaines entreprises pensent que nous sommes tombés sur la tête, mais d'autres voient rapidement que collaborer est intéressant. Elles gagnent un client et récoltent les fruits de la dynamique créative que nous apportons. De notre côté, nous profitons d'une voix expérimentée qui peut guider notre enthousiasme débridé. Cette situation win-win n'est pas suffisamment exploitée, selon moi. L’ouverture comporte des avantages que l'on ne peut pas toujours prédire. » 

Ann Dhont : « Je vous suis tout à fait. Nous sommes peut-être trop peu ouverts aux jeunes qui souhaitent entreprendre au sein d'une entreprise existante. D'autre part, les nouvelles idées sont certes indispensables pour un secteur novateur, mais elles seront toujours un peu menaçantes pour les entreprises existantes. » 

Philippe Hennin : « C'est ce qui rend la relation excitante. » (rire) 

N'existe-t-il pas le risque de voir les jeunes nouveaux acteurs être rapidement avalés par les grandes entreprises ? 

Glenn Mathijssen : « En effet, il est essentiel de passer de bons accords à cet égard. Céder immédiatement 50 % de son idée, ça tue la motivation. » 

Ann Dhont : « J’ai le sentiment que les choses sont en train de changer. On remarque que les entreprises souhaitent investir du capital pour soutenir de jeunes entrepreneurs, sans vouloir immédiatement s'emparer de ces 50 %. Il y a de plus en plus de start-ups et elles cherchent des façons de collaborer avec les entreprises expérimentées. Les règles du jeu vont indubitablement changer au cours des prochaines années. Je souhaiterais surtout apprendre des start-ups et peut-être faire en même temps un bon investissement. 

Est-il si difficile pour les entreprises manufacturières d'attirer elles-mêmes de jeunes talents ? 

Ann Dhont : « L’enseignement belge forme d'excellents candidats, mais il y a une pénurie. Ce que l'on appelle la guerre des talents est une réalité. Par conséquent, l’employer branding et la professionnalisation de nos processus RH sont capitaux. C’est surtout sur ce dernier aspect que nous avons travaillé d'arrache-pied ces cinq dernières années. Une démarche qui porte ses fruits. » 

Comment préparer les étudiants à une carrière dans une entreprise manufacturière ? 

Philippe Hennin : « La plupart des personnes avec lesquelles nous avons fait nos études n’ont tout simplement pas envie d'aller travailler dans des structures lourdes. Elles craignent de voir leur créativité y être décapitée. Je pense donc que les entreprises doivent surtout accorder une marge de manœuvre. Laissez les ingénieurs proposer leurs propres idées et accordez-leur d'être responsables de leur développement. Donnez-leur carte blanche de temps à autre au sein d'un cadre structuré. » 

Ann Dhont : « D’accord, mais cela requiert un changement de culture dans beaucoup d'entreprises. Nous avons, par exemple, chez nous un groupe de très jeunes diplômés en IT et automatisation. Si nous leur donnons carte blanche, ils créent en effet de très belles choses. Mais dans une entreprise qui existe depuis plus de 50 ans, une transition est nécessaire. En tant que management, nous devons apprendre à accorder plus de liberté et de responsabilités, tandis que certains collaborateurs n'ont pas l'habitude de travailler de manière autonome. C'est une transition sur laquelle nous travaillons en permanence. Et c'est à ce prix que nous pourrons attirer des talents. » 

Ce sens de l'initiative et de l'autonomie ne doit-il pas débuter sur les bancs de l'école ? 

Philippe Hennin : « Absolument, mais actuellement, cela ne se passe pas toujours de la bonne manière. Durant notre formation, beaucoup de grandes entreprises du secteur sont venues se présenter. Seulement, je pense que les étudiants doivent véritablement être immergés dans ce monde. De toute évidence, l'industrie manufacturière n'est pas suffisamment attirante et elle ne permet pas aux étudiants de réellement découvrir qu'il s'agit d'un secteur passionnant et novateur. » 

Glenn Mathijssen : « Regardez le Shell Eco Marathon, dans le cadre duquel des équipes d'étudiants du monde entier se voient proposer de concevoir et construire des véhicules efficaces sur le plan énergétique. Les entreprises manufacturières belges devraient pouvoir faire de même. Organisez une compétition, donnez aux étudiants un budget de base et laissez-les faire. Cet investissement serait, selon moi, plus judicieux qu’un stand lors d'un salon. » 

L'industrie manufacturière est-elle donc trop effacée ? 

Ann Dhont : « Je pense que oui. Je me rends dans beaucoup d'entreprises et je vois beaucoup de beaux acteurs prospères dans notre pays. Ils font la une des magazines professionnels, mais ils ne sont guère connus du grand public. Et c'est regrettable, selon moi. Les innovations dans notre secteur ne sont pas toujours visibles, alors que leur impact est considérable. » 

Glenn Mathijssen : « Je le crois aussi. Cela se remarque même dans la culture des start-ups : ce sont surtout les plateformes digitales tendances qui sont sous les feux des projecteurs. Dans les réseaux de start-ups, il y en a peu qui fabriquent des machines ayant le format et la complexité de nos « petites usines à smoothies ». En tout cas, selon moi, mettre davantage les fabricants en lumière ne pourrait qu’avoir des avantages positifs. » 

Philippe Hennin : « Regardez Elon Musk : c'est une super star aux États-Unis. » 

En conclusion : comment voyez-vous l'avenir de l'industrie manufacturière en Belgique ? 

Glenn Mathijssen : « Selon moi, il est prometteur. Cette réponse est probablement inspirée par ma jeunesse, mais en même temps, si l'on embrasse les nouvelles technologies et que l'on apprend à réfléchir sans passer par les business models traditionnels, le potentiel est énorme. » 

Ann Dhont : « Embrasser la technologie est une nécessité absolue, mais ce sont surtout la créativité et l'audace qui sont déterminantes. Si notre secteur est actuellement très dynamique, nous allons également avoir besoin de la force de frappe des jeunes. » aleur sûre, et d'autre part, Glenn Mathijssen et Philippe Hennin, les jeunes fondateurs de Frulego.

 

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